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 Association Pour l'Education et la Culture Islamique et le Développement Social

TIVAOUANE: LA REMEDE

TIVAOUANE: LA REMEDE


TIVAOUANE: LA REMEDE

La Tidianya établit le contact direct entre le chef et les simples adeptes. Elle donne à tous la possibilité d'accéder aux plus hautes fonctions par le courage, la science ou le talent. Les castes ou le cadre ethnique ne constituent plus des facteurs d'exclusion.
Elle a de ce fait un caractère révolutionnaire et relativement démocratique. D'où le prodigieux succès dEl Hadj Omar auprès des masses qui souffrent de l'oppression, mais aussi la crainte qu'il inspire aux pouvoirs établis, car en ces temps où société civile et religion se confondent, les progrès de la confrérie d'El Hadj Omar préparent la prise du pouvoir militaire et politique.
La Tidianya a pour fondateur Sidi Ahmed Al Tidiani, né en Algérie en 1737 et décédé à Fez (Maroc) en 1815. Les principes du Tidianya sont les enseignements religieux traditionnels de l'Islam donc de la sunna du prophète Mohammed. A cela s'ajoute la récitation de litanies dites wird et Zikr (souvenir, rappel divin .
L'affiliation au Tidianya se fait du guide religieux, ou muqaddam (dignitaire de la confrérie) au disciple (talibé) à qui on donne le Wird Tidiane. La Tidianya est composé de plusieurs wird tels que le lazim , la wasifa (prière), et la hadra (séance de zikr en groupe effectué le vendredi).
L'adhésion à la Tidianya exclut toute appartenance à une autre confrérie et le disciple doit faire le serment de ne pas abandonner l'engagement de pratiquer de pratiquer le wird, car il permet une purification morale et une ascension spirituelle.
Le Khalife est le représentant de la communauté. Les disciples ont pour seul guide dans la perfection de leur quête divine : le coran, la sunna (enseignements du prophète) et le wird Tidiane qui porte le nom de son fondateur. L'unique guide de la tarkha est Cheikh Ahmed Tidiani qui a hérité de sa science auprès du prophète, le reste des muqaddams (dignitaires de la confrérie) sont là pour aider les nouveaux disciples pour leur montrer la voie et les encadrer dans leur recherche spirituelle. Pour ce qui est de la succession du khilafa chez la famille Sy de Tivaouane, elle est se fait de père en fils ou parmi les frères aînés du marabout.
Les membres de la communauté se retrouvent chaque année dans la ville sainte de Tivaouane ou autres villes du Sénégal comme à Kaolack où se trouvent des dignitaires de cette confrérie à l'occasion de la commémoration du Gamou (Maouloud (anniversaire de la naissance du Prophète) pour y célébrer des chants religieux et lectures coraniques.
Les tidianes sont très rigoristes quant aux conditions d'affiliation à la confrérie. D'une manière générale, une grande importance est accordée à la fidélité d'où quelques critiques à leur égard D'aucuns comme Khadim Mbackéde l'IFAN reprochent à cette voie de trop insister sur la stricte fidélité au cheikh, en imposant à ses prosélytes de ne pas pratiquer un autre wird en même temps que le sien, et voient donc dans ces restrictions un manque d'ouverture. Mais Amadou Hampâthé Bâ, estime au contraire, que cette imposition est très sage, car chaque confrérie dispose de sa méthode d'éducation mystique. Selon lui, bien que « tous les wird mènent à Dieu », le disciple doit avoir un seul maître car « qui trop embrasse mal étreint ». Bâ soutient, en fait, que ces restrictions ne sont qu'une façon de préserver le novice de « dispersion spirituelle ».
C'est ainsi que cette confrérie a participé à l'expansion de l'islam en Afrique de l'Ouest où sa pratique est encore plus vivante qu'au Maghreb qui l'a vu naître.
Les confréries ont réalisé, contrairement aux entreprises « jihadistes », l'islamisation en profondeur des sociétés africaines. Contrairement à la situation présente du soufisme et des confréries dans le monde arabe, les confréries sont une donnée fondamentale dans l'islam africain.
Au-delà de son rôle socio-culturel voire politique, la Tidianya a joué un rôle de premier plan dans l'affermissement des relations arabo-africaines surtout maroco-ouest-africaines. Par le biais de cette confrérie, se sont tissés des rapports entre oulémas maghrébins et africains. Cette confrérie, parfois, méconnue, dans son pays d'origine (Algérie) et au Maroc a été pendant plus de deux siècles la jonction entre ce qui fut appelé par les historiens arabes le bilâd as-sûdân (pays des Noirs) et les contrées les plus lointaines du monde arabe et surtout maghrébin qui y exportera, entre autres, le Malikisme, le dogme ash'arite et les classiques du Fiqh du Mukhtasar de Khalîl au Matn d'Ibn 'Ashir et la Risâla d'Ibn Abî Zayd al-Qayrawânî.
La méconnaissance de ces liens et de cette histoire, de l'islam soufi contemporain ainsi que la nécessité d'une prise en compte de la différence desréalités islamiques en France, ont abouti à l'idée de la tenue d'un Forum national sur la Tidianya, l'une les plus répandues dans le monde musulman.
la Tidjaniyya est la deuxième confrérie exogène du Sénégal aprés la Khadrya et la première par le nombre de ses adhérents

TIVAOUANE HIER

La Tidianya attache une grande importance aux aspects culturels et éducatifs. Elle est favorable à l'adhésion individuelle du disciple.
Les talibés qui aspirent à s'initier auprès du marabout viennent de partout, le nombre peut atteindre des pics impressionnants allant jusqu'à 250 novices selon les saisons et c'est le marabout lui-même et ses proches qui se chargent de leur formation, ce qui témoigne de la qualité et du sérieux des enseignements religieux qui étaient d'ailleurs dispensés gracieusement si bien que l'école de Tivaouane fut assimilée à une véritable 'université populaire'.
Au sortir de cette université, les apprenants devenus Cheikh avaient la capacité d'aller ouvrir d'autres écoles coraniques. C'est ainsi que l'ensemble du territoire sénégalais fut quadrillé par la tarikha. D'ailleurs, à cette époque, selon P. Marty, El Hadj Malick Sy était considéré comme étant : « Le plus instruit et le mieux à rendre clairement ce qu'il a acquis (...), écrit avec une simplicité et une élégance que l'on pourrait souhaiter à beaucoup d'écrivains arabes ». Cependant, de temps en temps, quelques parents donnaient sans aucune obligation, des offrandes au Cheikh et en période hivernale, les talibés cultivaient le champ du maître.
El Hadj Malick Sy a également fondé à Dakar une importante école qui joua un rôle déterminant dans la propagation de la confrérie tidjane. Selon El Hadj Rawane Mbaye : « Le rôle qu'il avait choisi de jouer est celui du berger, tantôt au milieu de son troupeau, tantôt derrière lui. Dès lors, l'on ne s'étonnerait point en le voyant assis du début de la matinée jusqu'à la fin de la journée dispenser les cours, exhortant, donnant des consultations juridiques, réglant des litiges notamment matrimoniaux, accueillant des hôtes... ».

LE GAMOU DE TIVAOUANE

Il est bon de revenir sur la vie de celui à qui le Sénégal, voire le monde entier, doit une telle opportunité de rendre grâce au Très Haut. Quand en 1902, Seydil hadj Malick Sy (RTA) organisait le premier Maouloud à Tivaouane, nul ne s'attendait aux dimensions qu'a prises cette manifestation ,quelque temps seulement après la première édition. Aujourd'hui, ce sont plus de 3 millions de personnes qui participent à la célébration de cette naissance pas comme les autres. Cependant, il urge de rappeler qu'avant Tivaouane, le guide avait eu à commémorer la venue au monde de celui dont il a été le plus grand serviteur. C'était par des récitations du Saint Coran et des prières sur la Meilleure des Créatures (SAWS), durant la nuit du 11 au 12 du mois lunaire de Rabi Al Awal. Ce fut le cas à Ngambou Thieulé, à Saint-Louis, à et Ndiarndé. Il a initié la forme actuelle du Gamou à Tivaouane en 1902, après une concertation avec les siens dont Tafsir Abdou Birane Cissé de Pire, au domicile de Djibril Guèye, un de ceux qui l'ont accueilli dans la capitale du Cayor.
C'est aujourd'hui une cérémonie religieuse annuelle effectuée sous forme de pèlerinage sur les lieux saints de la confrèrie. Les fidèles vont renouveler leur acte d'allégeance à leur marabout C'est le moment de mesurer leur force, leur capacité de mobilisation, leur richesse, leurs rapports avec les autorités administratives. Le Gamou de Tivaouane rassemblent des millions de pèlerins passionnés aux préoccupations et motivations diverses. La plupart des pèlerins se rendent auprès des saints ou de leur mausolée pour se recueillir, prier, confier leurs problèmes et préoccupations à leur marabout pour qu'il puisse intercéder auprès de Dieu.Il faut noter que la moitié des fidéles préférent pariciper au Bourde Pour accéder à ses lieux saints, tous les moyens sont utilisés ; le petit commerce, la tontine, la thésaurisation, l'emprunt, l'endettement....
Sur le plan du transport, tous les moyens sont utilisés : les pèlerins de nationalité et d'ethnie diverses affluent à Tivaouane, à pied, à cheval, en charrette, en train, en voiture, en camion et en avion... Le Gamou se déroule la nuit, jusqu'à l'aube.
Les pèlerins visitent également la Mosquée, en contrepartie, le khalife général les exhorte à la piété et prie pour eux, pour le pays, pour tous les talibés. Au cours du Gamou , le khalife général peut donner une consigne, une recommandation à suivre, à satisfaire.
Les Sénégalais de l'extérieur se font également remarquer aussi bien sur le plan physique que financier et font l'objet d'une attention particulière et à tous les niveaux.

Daaras et champs de Maodo
Ndombo Alarba
Situé dans le Walo, El Hadj Malick Sy décida de s'y installer de 1883 à 1885, alliant travaux champêtres et intellectuelles. C'est ici qu'il a eu à composer le Taïssir. Le champ fut mis à sa disposition par un nommé Alioun Guèye. Le Tamarinier sous l'ombre duquel il étudiait, non loin du champ s'y trouve encore.
Ngambou Thillé
Village situé à 14 kms de Gaya. Ce champ fut mit à sa disposition par sa mère. Il s'y installe en 1886 avec sa famille et y cultivait du gros mil, du niébé, des patates cucurbitacées.
Ndiarndé
Village se trouvant à 25 kms de Kelle et en plein Cayor. El Hadj MAlick Sy y disposa d'un terrain de quatre km².
C'est ici qu'il va concevoir les bases de sa doctrine religieuse
Keur Bassine
Situé à une dizaine de kms au Nord-est de Coki, El Hadj Malick Sy y installa son cousin Mor
Aminata Sy.
Santhiou Pire
Non loin de Pire, ce champ fut géré par un de ses disciples Birame Awa Ndiaye.
Gossas
Ce champ sera cultivé mais le Maître refusera de s'y rendre pour des raisons d'ordre spirituel.Diamaguene
Il est à 5 kms à l'Est de Tivaouane,
Fass Diacksao
Village créé par Malick Sy à 6 kms Pire.

La stratégie éducative d'El Hadji Malick Sy :

une résistance culturelle par Bakary Ibn Cheikh SAMBE

Il est bon de rappeler, à l'occasion de ce béni centenaire du Mawlud, les points marquants de la vie de nos vénérés guides souvent occultés par les innombrables éloges qu'on leur adresse et qu'ils méritent à plus d'un titre. Reflexions sur la colonisation et autres faits marquants Nous voulons, par cet article apporter une modeste contribution à l'étude de la stratégie adoptée par Seydi El Hadji Malick Sy face à la politique culturelle d'assimilation inaugurée par l'Administration coloniale. Nous ferons l'économie des éléments biographiques largement développés par d'autres études pour nous pencher, avec une approche sociologique, sur un aspect rarement pris en compte par bien de spécialistes. Nous voulons, ainsi, nous intéresser à la manière dont Seydi El Hadji Malick Sy a su déjouer le plan d'assimilation culturelle mis sur pied par la colonisation française tout en préservant la paix sociale, le dynamisme propre à l'esprit de l'islam ainsi que les enseignements fondamentaux de la tarîqa Tijâniyya.
La colonisation a eu d'énormes conséquences sur le plan social et politique. De la traite négrière à la conquête coloniale, on ne peut douter des bouleversements qui ont secoué la société sénégalaise et de leurs incidences sur son système de valeurs. D'autres parlent sans nuances, des conséquences nuisibles qu'a produites la rencontre entre des sociétés anté-capitalistes avec l'expression la plus brute d'une mentalité de profit : le colonialisme. Le tissu social aura du mal à se remettre de la destructuration brutale de la société et de ses modes d'organisation. L'ordre colonial qui, pour l'indigène n'était que synonyme d'exploitation, de travail forcé ne permettait plus à la société dominée de suivre une évolution tenant compte de ses spécificités.

L'Administration française, bien que continuant son oeuvre de pacification de l'intérieur du pays, s'attachait plus aux villes : centres économiques et culturels vitaux. Les centres urbains demeuraient un véritable enjeu pour l'Empire colonial. Dans le cadre de sa résistance « passive », El Hadj Malick Sy aura d'ailleurs compris cette stratégie et s'intéressera aux villes où le Tidjânisme compte la majorité de ses disciples. Comme le soutient Iba Der Thiam, la colonisation est à la fois « une entreprise d'occupation territoriale, de domination politique et d'aliénation culturelle »[1]. C'est cette dernière forme qui focalisera l'attention des marabouts soufis tel qu'El Hadj Malick Sy. Le cheikh n'aura pas la tâche facile car la société urbaine à laquelle il s'adressa, était depuis plusieurs décennies traversée par de très profondes crises. Reprenons à ce propos la description qu'en fait El Hadj Rawane Mbaye [2]en ces termes :« Cette société était éclatée, désarticulée, rongée qu'elle était par le virus de la méfiance et parce que la solidarité du groupe avait peu à peu volé en éclats, l'individualisme y faisait une apparition de plus en plus marquée ».
Et Mbaye poursuit en attribuant cet état de crise à tous ces maux qu'il énumère : « avec le travail forcé, l'indigénat et son régime de sanctions disciplinaires, les chefs de cantons et les commandants de cercles, vivant d'abus du pouvoir et d'autoritarisme gratuit, avec l'impôt et la circonscription militaire et l'introduction de valeurs, de normes de vie, de règles de droit et d'une langue étrangère, les populations violentées, terrorisées, insécurisées, avaient fini par perdre tout sens de l'initiative, toute volonté de concevoir des structures, de tout envie d'imaginer des projets d'avenir ».
Ce tableau sombre que nous dresse ici l'un des plus grands islamologues sénégalais, rend suffisamment compte du degrés qu'avait atteint le malaise social. Et, chaque fois qu'une société arrive à bout de patience, dépassée face une situation donnée, elle cherche soit à combattre le mal ou recevoir un palliatif en s'identifiant à une doctrine, une religion, un saint homme d'où l'idée weberienne de domination charismatique considérée comme transitoire et passagère. Dans ce contexte, la vertu héroïque et la valeur exemplaire du guide, le marabout, redonne de l'espoir et crée une autre dynamique. Rawane Mbaye nous dit à ce propos qu' : « A tous les naufragés de ce monde en mutation d'identité où l'arbitraire régnait en maître absolu, la religion apparut comme le seul espoir de salut ». L'identité collective du groupe persécuté, on l'a vu, s'est confondue avec la religion musulmane. Dans ce contexte sénégalais, cette identité trouvera en la confrérie Tijâniyya un cadre d'expression plus que propice. Ces structures multiformes qui s'adaptent à plusieurs situations sont considérées, dans une belle métaphore, par le marabout Cheikh Ahmed Tidiane Sy Maktoum comme « les clubs mystiques où se forment continuellement les athlètes de la religion ». Cheikh El Hadj Malick Sy s'est servi de la Tijâniyya , dont il était la principale figure sénégalaise, pour remplir cette fonction. Il a fait de la pratique de l'Islam et de la vie confrérique la base de sa résistance « passive » visant à redynamiser cette société à laquelle plusieurs décennies de colonisation avait, comme le dit Césaire, « savamment inculqué la peur, le complexe d'infériorité et l'agenouillement ».La notion de résistance passive ou par la religion a, certes, de quoi surprendre en Occident, mais Seydi El Hadj Malick Sy a réussi sa mission en inscrivant la pratique religieuse dans une perspective sociale et socialisante. Autrement dit, il a su développer une conception positive de la religion au sens où l'entend Auguste Comte.
Comme tout « prophète », il s'attaque aux maux de la société qui ont noms souffrance et injustice auxquels il opposera son message de paix et d'amour. Il instaurera, dans le cadre de sa confrérie un autre ordre fondé, sur les « valeurs de justice, d'égalité, de protection des faibles, des veuves, des étrangers, des orphelins, du respect du bien et de la propriété de chacun »[3]Pour ce faire El Hadj Malick Sy vulgarisera l'enseignement islamique dans de nombreux « foyers ardents » accueillant des disciples de toutes les régions du pays. L'originalité de ce soufi, fut son refus de s'attirer des disciples en accomplissant des miracles. La tradition orale lui attribue cette phrase : « Il n'y a rien de plus laid pour un homme de Dieu de se transformer en thaumaturge pour convaincre et séduire ». Il s'installa à Tivaouane qui devient, alors, à l'instar de Pire Goureye au siècle précédent, un rayonnant centre de la culture islamique. La stratégie d'El Hadj Malick Sy consista à enseigner, d'abord, la science des pratiques islamiques aux taalibés avant de s'attaquer à la mystique, phase supérieure à condition que le disciple maîtrise les notions de base.
Dans cette école, le Cheikh formait ses disciples qui allaient devenir les grands muqaddam de la tarîqa. Le contrôle strict qu'exerçait l'Administration sur les structures religieuses a certainement obligé le marabout à adopter un système de décentralisation. Au lieu d'agrandir son école, cette université populaire dont parlait Paul Marty- ce qui pouvait lui attirer des ennuis de la part des autorités coloniales -, El Hadj Malick a préféré renvoyer, dans leurs régions d'origine, ses anciens disciples. Ces derniers étaient suffisamment versés en matière religieuse et pouvaient par les vertus de la tarîqa qu'ils incarnaient, représenter chez eux, le cheikh et la Tarîqa Tijâniyya et en prolonger l'action. La revue égyptienne Al-Azhar, dans une présentation d'El Hadj Malick Sy et de son oeuvre soutient que « grâce à lui, l'Islam a connu son épanouissement dans ce pays [Sénégal] en créant des écoles, des mosquées, des zâwiya, et, poursuit la revue, il a aussi formé de brillants érudits qui se sont éparpillés dans tous les coins du pays telle l'expansion de la lumière dans l'obscurité »[4] Le cheikh, comme pour contrecarrer la politique d'assimilation menée par les colons, chargera à des muqaddam, de représenter la tarîqa partout où il l'estimait nécessaire.

Ainsi, il envoya Sérigne Alioune Diop Maïmouna à Gaya, Sérigne Birahim Diop à Saint-Louis, l'un des fleurons de la colonisation française en Afrique Occidentale. El Hadj Abdou Kane sera détaché à Kaolack, en plein centre du bassin arachidier sénégalais. Réalisant que ses déplacements, dans l'AOF pourrait éveiller la suspicion du Gouvernement Général, El Hadj Malick préfèra, envoyer, après leur formation, ses disciples dans plusieurs pays de la sous-région : El Hadj Amadou Bouya le représentera en Côte d'Ivoire, El Hadj Madior Diongue au Congo, Sérigne Ndary Mbaye au Gabon, El Hadj Babacar Dieng en Centrafrique et El Hadj Abdou Ndiaye à Bamako. Selon le porte-parole de la famille Sy, Sérigne Abdou Azîz, « Maodo avait envoyé tous ses ténors de la Tijâniyya en leur demandant d'aller faire un sacrifice en continuant son oeuvre d'éducation spirituelle »[5] El Hadj Malick a réussi dans sa « mission » en donnant beaucoup d'importance à ce côté spirituel, mystique, qui aurait facilité l'acceptation de l'Islam dans cette région d'Afrique. La religion telle qu'il l'a enseignée n'est pas extérieure à la vie sociale, mieux, elle la "contrôle" et se manifeste en même temps dans tous ses secteurs (tels que le travail et les relations humaines). C'est pourquoi, il serait difficile, voire impossible d'analyser le rapport au religieux de ces sociétés à partir de schèmes spécifiquement occidentaux. Mouhamed Arkoun voit dans cette harmonie, le succès de l'Islam partout où il s'est implanté. Il soutient à ce sujet : « La croissance des sociétés musulmanes durant les siècles d'épanouissement de la civilisation musulmane ; et l'on peut dire que cette croissance a été harmonieuse dans la mesure où l'intervention du message religieux - de ce que j'ai appelé le noyau métaphysique - a été telle que la croissance économique n'a jamais pris le dessus, comme cela aura lieu dans la période moderne de l'Occident.

Elle toujours été contrôlée par une pensée que l'on peut qualifier de religieuse dans la mesure où la pensée théologique, en particulier, a été constamment très forte et très présente dans la société au point d'assurer une sorte de contrôle de toutes les activités de l'existence socio-historique »[6] .C'est ce même facteur qui a facilité le travail de Cheikh El Hadji Malick lorsqu'ils a utilisé la religion musulmane et sa dimension spirituelle pour contrecarrer un des piliers de la politique coloniale française : l'assimilation de l'indigène.Aujourd'hui, bien que le français soit la langue officielle du pays, les représentants de l'Etat post-colonial, sont obligés de s'adresser au public en wolof surtout lors des grandes manifestations religieuses organisées par les confréries. Les marques de la colonisation semblent se limiter aux structures officielles de l' « Etat importé ». En tout cas, on est très loin d'une situation semblable à celle de l'Algérie où la francisation était visible et apparaissait même sur le plan toponymique. Au Sénégal, surtout dans les régions à forte implantation confrérique, on a plutôt constaté une islamisation des noms des villages et des quartiers. Seydi El Hadji Malick est parvenu à lutter contre l'assimilation à grande échelle quitte, parfois, à favoriser l'arabisation ou l'islamisation au détriment du modèle qu'avait voulu imposer l'occupant. Cette forme de résistance qualifiée de « passive » a une grande portée symbolique. Elle a d'ailleurs été à l'origine de la popularité rarement égalée dont jouit la Tarîqa et ses muqaddams. Si aujourd'hui on est parvenu à nous inspirer de cette tarîqa qui correspond aux conditions de notre époque et qui présente, selon Amadou Hampathé Bâ, « une analogie parfaite avec les trois piliers de l'enseignement des oulémas à savoir l'iman, l'islam et l'ihsân », nous devons rendre hommage à Seydi El Hadji Malick Sy. Il demeure, sans conteste, l'un des personnages phares de cette confrérie dont chaque disciple vertueux est une source intarissable de science, de spiritualité : une valeur sûre au service l'islam.

Bakary Ibn Cheikh SAMBE Mbour Tél: Email: nangadef@hotmail.com – Chercheur à la Maison de l'Orient Méditerranéen, Professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon et à l'Ecole Internationale de Commerce et de Développement – Lyon France
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